7 novembre 2019 - Au cœur du volcan Hakone

Publié le par Baudouin

On aura beau dire, dormir sur un futon, même doublé, ce ne sera jamais aussi confortable qu'un bon lit à l'européenne. Bon, c'est quand même frais et dispos que nous nous levons ce jeudi matin.

Frais, ce n'est pas comme cela que nous qualifierions l'auberge Suirinso à Gora. Bien sûr, les onsen sont inutilisables suite aux conséquences du typhon Hagibis, mais il n'y a pas que ça. Certains toilettes sont désaffectés, le chauffage ne fonctionne pas dans les sanitaires, il fait sale et, par dessus tout, certains câbles électriques ou prises de courant sont installés en dépit des règles élémentaires de sécurité ! Là, ça nous amène à nous poser des questions sur les contrôles de tels établissements !

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Le saviez-vous ?

Un ryokan est une auberge traditionnelle japonaise. En général, on y dort sur des futons posés à même le sol. Les chambres ne disposent pas non plus de sanitaires privatifs. On trouvera donc une salle de bains pour les dames et une pour les hommes. Quand il y en a, chaque onsen comprend les douches et le bain d'eau chaude naturelle publics. Celui ou celle qui tient absolument à son intimité devra aller voir ailleurs ou se contenter de se débarbouiller aux lavabos dans une salle contiguë.

Les toilettes sont évidemment individuelles et séparées hommes/dames, comme dans les lieux publics tels que restaurants, aéroports, gares... 

Comme déjà expliqué dans le premier article relatif à ce voyage, on ne rentre pas dans les chambres avec ses chaussures. Des pantoufles et un yukata (à l'origine un kimono de bain), sont mis à la disposition de chaque client pour les déplacements dans le ryokan.

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Ceci dit, mais c'est un avis tout-à-fait personnel, je trouve quand même un certain charme à cet établissement. Peut-être parce qu'en tant qu'ancien militaire ça me fait beaucoup penser à la vie de caserne dans les années 70-80, et donc que je m'en trouve rajeuni ?

Bon, si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur ce point de vue, je suis sûr que nous nous réconcilierons avec l'excellent petit-déjeuner traditionnel qui nous est servi. Un régal tant pour les yeux que pour les papilles !

Le petit-déjeuner traditionnel japonais au ryokan SuirinsoLe petit-déjeuner traditionnel japonais au ryokan Suirinso

Le petit-déjeuner traditionnel japonais au ryokan Suirinso

En route pour le lac Ashi

Lors des préparatifs de cette journée, j'avais envisagé de réaliser une boucle pour visiter les différents lieux de la région qui pouvaient nous intéresser. Ainsi, nous aurions dû reprendre le train jusqu'à Hakone-Yumoto - ce qui nous aurait permis d'emprunter de jour ce tronçon si particulier (voir article précédent) -, de là prendre le bus pour le Mishima Skywalk et ensuite revenir à Gora par le lac Ashi et le téléphérique d'Owakudani. Le timing était calculé à la minute près mais c'était faisable, pour autant qu'aucun événement inattendu ne vienne gripper la mécanique. Et tout, absolument tout, est compris dans notre Hakone Kamakura Pass. Mais ça, donc, c'était avant que nous apprenions que la ligne de chemin de fer était coupée.

Comme nous ne maîtrisons pas l'horaire des bus en remplacement du train et que de toute façon les temps de trajet sont beaucoup plus aléatoires sur les routes de montagne de la région, nous choisissons donc de faire l'aller-retour par le même chemin. J'y reviens plus loin.

Toutefois, jusqu'à avant-hier, nous n'étions pas sûrs non plus de réaliser notre programme dans son entièreté. En effet, le service du téléphérique d'Owakudani était lui aussi interrompu à cause de l'activité volcanique ! Heureusement, ce n'est plus le cas aujourd'hui et nous pouvons donc envisager de respecter notre programme. Dans le cas contraire, nous aurions dû faire l'impasse sur le Mishima Skywalk, le site le plus éloigné de Gora, puisque le téléphérique était remplacé par un bus forcément plus lent.

Le choix de Gora est justifié par le fait que la ville est à la fois le terminus de la ligne de chemin de fer venant de Hakone-Yumoto et le point de départ du téléphérique vers le lac Ashi et les différents sites d'intérêt de la région. Vous connaissez maintenant mon souci d'éviter des temps de déplacement trop longs...

Du ryokan, deux possibilités s'offrent à nous pour rejoindre le départ du téléphérique. Soit nous continuons à escalader la montagne jusqu'à la station de téléphérique, soit nous redescendons tout le chemin parcouru hier soir pour emprunter le funiculaire qui démarre juste à côté de la gare. Comme nous sommes à mi-chemin entre les deux, que nous n'avons pas de bagage, et que nous aurons de toute façon à emprunter le chemin de la gare demain quand nous quitterons Gora, nous choisissons la première option.

ATTENTION : celui qui a l'intention de séjourner au ryokan Suirinso, ou plus généralement au centre de Gora, aura grand intérêt à lire le prochain article ! Un futur touriste averti en vaut deux !

C'est sans surprise que nous découvrons que rien n'a changé depuis hier soir. A Gora, quand ça monte, ça monte ! Et heureusement, aujourd'hui nous n'avons pas nos valises !

A Gora, quand ça monte, ça monte !

A Gora, quand ça monte, ça monte !

A la sortie de Gora, là-haut, tout là-haut, nous arrivons enfin à la station Sounzan, à la fois point de départ/arrivée du téléphérique et du funiculaire. Du premier téléphérique, devrais-je écrire. En effet, de Gora au lac Ashi, ce sont deux téléphériques que nous devons emprunter.

Nous ne nous en étions pas rendus compte jusqu'à présent, puisque nous sommes arrivés à Gora à la nuit tombée, mais nous nous trouvons en réalité en plein cœur du volcan Hakone, un volcan de quinze kilomètres de diamètre environ.

Le mont Kami dont nous faisons maintenant l'ascension en téléphérique culmine à 1438 mètres d'altitude. Avec le mont Komagatake, ils trônent tous deux au centre du volcan. Arrivés tout en haut de la montagne, nous avons déjà une belle vue sur le mont Fuji. Celui-là ne nous lâchera pas de toute la journée, pour notre plus grand plaisir.

En téléphérique, de Gora à OwakudaniEn téléphérique, de Gora à Owakudani
En téléphérique, de Gora à Owakudani

En téléphérique, de Gora à Owakudani

En survolant la vallée volcanique d'Owakudani, c'est à ce moment que nous prenons réellement conscience de notre présence au sein du volcan Hakone. Cette "grande vallée bouillonnante" - c'est la signification d'Owakudani - est en fait le cratère du mont Kami résultant d'une éruption qui s'est produite voici 3000 ans environ.

Le volcan est très actif. Ainsi, la dernière éruption magmatique s'est produite du 29 au 30 juin 2015 mais en temps normal n'espérez pas y voir de la lave. Il s'agit plutôt d'émanations d'eau chaude et de gaz de soufre. C'est d'ailleurs d'ici, par un système de canalisations très complexe, que part l'eau qui alimente les différents onsen de la région.

Les installations ont été fortement endommagées par le passage du typhon Hagibis le 17 octobre et ce n'est qu'à partir du 5 novembre que la distribution a repris. Mais visiblement tous les ryokan ne sont pas encore desservis puisque les onsen du Suirinso ne fonctionnent toujours pas.

Y-a-t-il eu un lien de cause à effet, mais c'est aussi seulement depuis le 5 novembre que le téléphérique est de nouveau opérationnel. Auparavant, les émanations de gaz étaient trop dangereuses pour la santé des passagers et les autorités avaient donc ordonné l'arrêt du téléphérique. Même si ces émanations sont redescendues à un niveau acceptable pour la santé, dans notre cabine nous ressentons très fort cette odeur d'oeuf pourri caractéristique. Afin de pouvoir nous protéger, nous recevons chacun une serviette humide à poser sur le nez et la bouche.

OwakudaniOwakudani
OwakudaniOwakudani

Owakudani

Le premier téléphérique nous dépose à Owakudani, juste sur les hauteurs de la vallée bouillonnante. La station propose en temps normal différentes commodités, comme un restaurant où on peut déguster entre autres les kuro-tamaga, des œufs cuits dans l'eau des sources chaudes locales reconnaissables par leur coquille noire. Selon la tradition, en manger un apporterait sept ans de vie en plus !

Oui, et bien c'était sans compter sur une concentration de gaz trop élevée qui a pour conséquence que tout ici est fermé, comme les deux terrasses extérieures qui donnent, l'une, vue sur la vallée bouillonnante, l'autre sur le mont Fuji.

C'est donc sans tarder que nous embarquons dans le deuxième téléphérique qui nous descend à la station Togendai, sur la berge du lac Ashi. A mi-chemin entre Owakudani et le lac, il est possible de descendre du téléphérique à la station Ubako. De là, on y a un beau panorama sur le mont Fuji mais c'est aussi le point de départ de différentes randonnées dans la région, dont un parcours éducatif sur la nature environnante. Toutefois, pour les mêmes raisons de concentration de gaz, les randonnées sont actuellement interdites et nous aurons encore bien d'autres occasions d'admirer le mont Fuji. Nous choisissons donc de poursuivre notre route.

Entre Owakudani et Togendai
Entre Owakudani et TogendaiEntre Owakudani et Togendai

Entre Owakudani et Togendai

Croisière sur le lac Ashi

Au bout d'une petite demi-heure de téléphérique, nous arrivons donc sur les bords du lac Ashi. C'est ce qu'on appelle un lac de caldeira. Il est le résultat d'un effondrement du mont Kami lors de l'éruption qui se produisit voici 3000 ans. Celle-là même qui engendra la vallée bouillonnante d'Owakudani.

Le lac est le centre d'une activité touristique très intense. Facilement et rapidement accessible depuis Tokyo, les gens y viennent pour les croisières sur le lac, la pêche, et les randonnées dans une belle nature loin du stress de la capitale. Entre les stations Ubako et Togendai, autour du Hakone Visitor Center, on ne compte plus les résidences de vacances. Un golf témoigne aussi de la passion des Japonais pour ce sport.

Pas de golf pour nous mais une croisière de Togendai à Hakonemachi-ko. Le lac ne mesurant que six kilomètres de long, pour une largeur maximale d'un kilomètre et demi, la croisière ne dure qu'environ vingt-cinq minutes. C'est très bien pour nous. Nos derniers souvenirs de croisières, sur le Douro au Portugal et sur le Telemark en Norvège, s'apparentent plus à "La croisière s'ennuie" qu'à "La croisière s'amuse" et nous ne sommes pas pressés de répéter l'expérience !

Nous embarquons donc sur le Queen Ashinoko Seven, un des trois bateaux "pirates" actuellement mis en service par la Hakone Sightseeing Cruise company. Les deux autres bateaux sont le Victory, en noir et jaune, et le Royal II, en rouge et blanc. Tandis que le nôtre est bleu et jaune.

Pour l'authenticité, on repassera. Ils sont tout en métal et non en bois, et sont propulsés par de gros moteurs Diesel plutôt qu'à la voile. On ne voit pas très bien non plus en quoi ce sont des bateaux pirates. Mais ne boudons pas notre plaisir, c'est quand même fun !

Le conseil, c'est de se ruer directement vers le pont supérieur afin de profiter au maximum de la vue. Sauf que, début novembre, le vent est glacial et nous préférons battre en retraite à l'arrière du navire, à l'entrepont, où c'est quand même plus supportable !

Et puis, il y a une autre raison à cela. Comme nous naviguons avec le soleil de face, toutes nos photos auraient été prises à contrejour. Pas top ça !

En croisière sur le lac Ashi
En croisière sur le lac AshiEn croisière sur le lac Ashi
En croisière sur le lac AshiEn croisière sur le lac AshiEn croisière sur le lac Ashi
En croisière sur le lac AshiEn croisière sur le lac Ashi

En croisière sur le lac Ashi

Le Mishima Skywalk

Après vingt-cinq minutes de croisière sans surprise, nous arrivons à Hakonemachi-ko, le port le plus au sud des trois fréquentés par les bateaux, ceux-ci effectuant de manière continue la rotation Togendai-ko - Hakonemachi-ko - Motohakone-ko, puis retour à Togendai-ko.

Sans plus attendre, nous traversons le petit centre commercial situé à la sortie du débarcadère et nous rendons à l'arrêt de bus pour y embarquer dans le premier bus à destination du Mishima Skywalk. Attention toutefois que, si le trajet est bien compris dans le Hakone Kamakura Pass, celui-ci ne donne droit qu'à une réduction de dix pourcents sur le billet d'entrée au Skywalk.

Une petite dizaine de minutes plus tard, nous embarquons dans le bus, et encore quinze minutes et nous arrivons au Mishima Skywalk. Avec ses quatre cents mètres, il s'agit du plus long pont piétonnier suspendu du Japon. Il surplombe la vallée au-dessus de laquelle il a été construit de soixante-dix (septante pour les Belges) mètres.

Depuis le pont et ses environs, nous avons une superbe vue bien dégagée sur le mont Fuji et la baie de Suruga. Si le mont Fuji est la montagne la plus élevée du pays, la baie, elle, en est la plus profonde.

Au Mishima SkywalkAu Mishima Skywalk

Au Mishima Skywalk

Le mont Fuji, appelé Fujisan par les Japonais pour son caractère sacré, est donc la plus haute montagne du Japon avec ses 3776 mètres de haut. Mais c'est aussi un volcan actif bien que le risque éruptif soit considéré comme mineur. Sa dernière éruption remonte à la mi-décembre 1707 et avait duré un peu plus de deux mois. La propagation de cendres fut telle que Tokyo, à l'époque appelée Edo, située à cent kilomètres de là en fut recouverte ! C'est à l'occasion de cette éruption que s'est créé, sur le flanc, un second cratère, le Hoei-zan.

Relativement facile à escalader, il voit trois cent mille personnes arpenter ses flancs chaque année, dont trente pourcent d'étrangers. Comme les refuges ne sont ouverts qu'en juillet et août, la principale difficulté est peut-être à cette période de se frayer un chemin à travers la foule !

Pour de nombreux Japonais, l'ascension du mont Fuji est considérée comme un pèlerinage à faire au moins une fois dans sa vie. D'ailleurs, s'il fallait encore démontrer l'importance de ce pèlerinage, au XVIIè siècle, les Japonais construisirent des répliques à échelle réduite du mont Fuji, les Fujizuka, pour ceux qui ne seraient pas capables d'escalader l'original !

Mais d'où vient son caractère sacré ? Pour les shintoïstes, un empereur aurait ordonné, selon la légende, de détruire au sommet de la montagne un élixir d'immortalité qu'il aurait détenu. Et la fumée qui s'en échappe encore parfois serait due à cette potion qui se consume. Mais le volcan serait aussi habité par trois divinités parmi lesquelles Kono-hanasakuya-hime, la princesse qui fait fleurir les arbres et en particulier les cerisiers. Pour les bouddhistes, c'est beaucoup plus simple. La forme du mont Fuji leur rappellerait le bouton blanc et les huit pétales de la fleur de lotus. Toujours est-il que, à cause de son caractère sacré, le mont Fuji fut interdit aux femmes jusqu'en 1872.

Le mont Fuji. Bien visible sur son flanc, le Hoei-zan

Le mont Fuji. Bien visible sur son flanc, le Hoei-zan

Le mont Fuji domine la baie de Suruga, située à une vingtaine de kilomètres plein sud. Avec ses 2.500m mètres de profondeur, elle est la plus profonde du Japon. Située sur l'océan Pacifique et protégée des vagues par la péninsule Izu, ses belles plages et son eau translucide invitent à la baignade, à la pêche et aux sports nautiques. Ça c'est pour le rêve.

La réalité est quelque peu différente. Dans les années 70, l'industrie du papier, très implantée dans la région, déversa quotidiennement dans la baie 2,4 millions de tonnes d'eaux usées, soit l'équivalent de ce qui était produit par Tokyo qui comptait 9 millions d'habitants à l'époque ! Malgré les efforts des autorités japonaises pour dépolluer la zone, des analyses effectuées au milieu des années 2010 ont encore montré une importante contamination aux PCB et aux PBDE, deux catégories de produits chimiques responsables de cancers, de troubles de la reproduction et de mauvais développement du cerveau chez le fœtus ! Voilà, ça c'est dit...

 

À l'arrière-plan, la baie de Suruga

À l'arrière-plan, la baie de Suruga

Le Mishima Skywalk est le cœur d'un petit parc d'attractions. Outre un jardin fleuri, un parcours d'accrobranche, la possibilité de faire du Segway ou du quad, une aire pour laisser gambader et socialiser votre chien, le plus spectaculaire est la double tyrolienne qui traverse la vallée. Bien sûr, vous trouverez aussi de quoi vous sustenter.

Pour nous, rien de tout ça. Le temps de faire quelques photos, d'admirer le paysage, de nous amuser à regarder les jeunes s'éclater à la tyrolienne et la petite heure que nous avions sur place s'est déjà évaporée ! Il est temps de reprendre le bus à destination de Hakonemachi-ko.

Nous embarquons donc dans le bus. Je montre mon Pass au chauffeur, qui me demande de prendre un ticket ! Puisque nous n'avons jamais dû prendre un ticket en ayant un Pass, je me dis qu'il a sans doute mal vu et je lui remontre le Pass. Là, il se lève à moitié de son siège et me hurle : "Tickeeeeeet !". Vu sa carrure de demi sumo - ce qui le rend quand même encore deux fois plus imposant que moi - et la quasi-assurance qu'il ne connaît pas d'autre mot en anglais que celui-là, je renonce à discuter et vais m'asseoir sagement dans le fond du bus.

Tout le long du trajet je n'aurai de cesse de l'observer. Malgré son visage de gros bébé joufflu, on aurait cru un personnage fou et sanguinaire tout droit sorti d'un manga ! Il n'arrêtait pas de tourner la tête, à gauche, à droite, comme s'il cherchait une cible sur laquelle précipiter son engin !

Arrivés à Hakonemachi-ko, j'essaie de me faire tout petit au moment de passer devant lui pour sortir du bus. Mais le bougre est attentif et me montre une boîte dans laquelle jeter mon ticket. Commençant à connaître les Japonais, je me dis que ça doit certainement servir à quelque-chose mais dans tous les cas, puisqu'il me le demande... Et l'autre de m'asséner un "Arigato gozaimaaaaaaasss" bien appuyé. Oui oui, c'est ça, "Arigato gozaimas !".

 

Le saviez-vous ?

Si vous tenez à faire sensation auprès des Japonais en apprenant leur langue, c'est très bien mais vous perdrez un peu votre temps. Retenez juste "Arigato gozaimasu", ce qui signifie "Merci beaucoup". Notez que le "r" se prononce comme quelque-chose entre le "l" et le "r" si bien que j'ai longtemps cru que c'était "Aligato". De plus, je n'ai jamais entendu personne prononcer le "u" final (qui se prononce "ou", ceci dit).

Donc, quand vous arrivez au petit-déjeuner à l'hôtel, on vous accueillera avec un "Arigato gozaimaaaaaassss !". Pareil quand vous en repartirez. Ainsi que quand vous entrez ou sortez du bus, d'un magasin, d'un restaurant, d'un musée, et que sais-je encore. Que ce soit pour dire "bonjour", "au revoir", "merci", bref pour presque tout, vous aurez droit à "Arigato gozaimaaaaaasssssss !".

Et ne faites pas le malin en vous fendant d'un "Sayonara", ça ne se dit éventuellement que dans un cadre formel, au boulot par exemple.

Il est sur le coup de midi lorsque nous sommes de retour à Hakonemachi-ko, là où nous avions accosté avec le bateau. Pas la peine de chercher bien loin pour trouver de quoi dîner. Le petit centre commercial situé sur le quai héberge des restaurants proposant une cuisine alléchante à en croire les imitations de plats exposées en vitrine.

Imitations de menusImitations de menus

Imitations de menus

Nous jetons notre dévolu sur le restaurant de l'étage et nous ne le regretterons pas ! C'est probablement le meilleur repas que nous aurons eu depuis notre arrivée au Japon.

Un régal tant pour les yeux que pour les papillesUn régal tant pour les yeux que pour les papilles

Un régal tant pour les yeux que pour les papilles

Le Hakone Sekisho

Rassasiés, nous nous mettons en route à pied vers le Hakone Sekisho situé à quelques centaines de mètres du centre commercial, en direction de Motohakone.

En 1601, le shogun Tokugawa Ieyasu ordonna la construction de cinq routes majeures qui partaient toutes de Edo (l'actuelle Tokyo) et traversaient le Japon. C'est ce qu'on appelle "Les Cinq Routes" ou "Gokaido" du shogunat Tokugawa. La plus importante et la plus connue est la route Tokaido, "la route de la mer de l'est" en français, qui relie Edo à Kyoto sur une distance de cinq cents kilomètres, le point 0 se trouvant sur le pont Nihonbashi à Tokyo.

Sortant à l'époque d'une longue période de guerre civile, le shogun exige alors des daimyo, pour mieux les contrôler, de vivre un an sur deux à Edo. Mais ceux-ci doivent laisser leurs familles dans leurs fiefs où elles sont tenues en otage.

Si "Les Cinq Routes" étaient jalonnées de nombreux relais pour héberger et nourrir les voyageurs, les shogun y établirent aussi des points de contrôle afin de surveiller les voyageurs mais surtout le trafic d'armes et... les femmes ! En effet, les autorités craignaient qu'elles ne rejoignent leurs maris en exil à Edo, emportant avec elles des armes dissimulées sous leurs vêtements. Il se dit ainsi que les gardes mettaient plus de zèle à inspecter les femmes qu'à contrôler le trafic d'armes !

Le Hakone Sekisho, sekisho signifiant check-point, fut construit en 1619 sur ordre du shogun Tokugawa Hidetada au bord du lac Ashi à une altitude de 725 mètres, ce qui en fait le plus haut des points de contrôle sur le chemin Tokaido.

Il ferma ses portes en 1868, sur ordre du gouvernement issu de la révolution de Meiji qui marqua la fin du shogunat. Puis il tomba dans l'oubli avant que des archéologues le redécouvrent en 1965 lors d'une campagne de fouilles. Le poste que nous visitons aujourd'hui en est une reconstitution fidèle qui a ouvert ses portes en 2007 après trois ans de travaux. A l'intérieur des divers bâtiments, des scènes très réalistes donnent un aperçu de la vie quotidienne à l'époque. Un petit musée attenant propose différents documents et objets retraçant l'histoire du lieu. Un endroit vraiment intéressant pour lequel vous bénéficiez d'une réduction sur le prix d'entrée quand vous possédez le Hakone Pass.

Le check-point du vieux chemin du Tokaido, à Hakone
Le check-point du vieux chemin du Tokaido, à HakoneLe check-point du vieux chemin du Tokaido, à Hakone
Le check-point du vieux chemin du Tokaido, à HakoneLe check-point du vieux chemin du Tokaido, à Hakone

Le check-point du vieux chemin du Tokaido, à Hakone

Avant de quitter l'endroit, les plus courageux ne manqueront pas d'escalader la colline jusqu'au poste d'observation le surplombant. Belle vue garantie sur le check-point et le lac Ashi !

Vue plongeante sur le Hakone Shesiko et le lac AshiVue plongeante sur le Hakone Shesiko et le lac Ashi
Vue plongeante sur le Hakone Shesiko et le lac Ashi

Vue plongeante sur le Hakone Shesiko et le lac Ashi

L'allée des cèdres

Nous poursuivons notre chemin en direction de Motohakone-ko où nous devons arriver avant le départ du bateau à 15 heures 40. Il y a certes encore un bateau, le dernier, à 16 heures 30 mais je ne veux prendre aucun risque. Le téléphérique à Togendai-ko ferme à 17 heures et ce dernier bateau y arrive à 16 heures 55. Trop juste à mon goût !

Enfin, bref. Entre Hakonemachi-ko et Motohakone-ko, au bord du lac, se trouve le Onshi Hakone Koen Park. Ce parc abritait une résidence d'été pour l'Empereur et sa famille. C'est un physicien allemand, le Dr Erwin Balz, amoureux de la région et des bienfaits apportés par ses nombreux onsen qui, en 1884, commença à dessiner les plans de la villa qui fut achevée en 1886.

Construite dans un style occidental, elle était un peu comme le porte-drapeau d'un Japon qui voulait par là s'élever au niveau des puissances occidentales et à leur culture. C'est ainsi que la résidence, qu'il faut imaginer plus comme un complexe que comme une villa, accueillit de nombreux dignitaires étrangers et même le Prince Edward d'Angleterre y logea en 1922.

Malheureusement, la villa ne survécut pas au terrible tremblement de terre du Kanto en 1923, suivi en 1930 de celui du Nord Izu. Faute de budget pour la reconstruire, l'endroit resta à l'abandon jusqu'en 1945, lorsqu'il fut donné au gouvernement de la préfecture de Kanagawa.

Le parc, magnifique et offrant les plus belles vues sur le lac Ashi et le mont Fuji, fut rapidement ouvert au public. Le hall principal de la villa fut reconstruit et abrite maintenant un petit musée et un café.

Malheureusement, par manque de temps, nous n'aurons pas l'occasion de visiter les lieux. Mais si, contrairement à nous, vous passez plus d'un jour dans la région, n'hésitez pas à venir y faire en tour !

Nous, ce qui nous occupe pour l'instant, c'est de parcourir un des rares tronçons subsistant de la route Tokaido, dans son état original. Cela se passe entre Hakonemachi-ko et Motohakone-ko, sur la droite de la route moderne, sur une distance de cinq cents mètres. C'est la fameuse "Allée des cèdres".

En 1618, le shogun fit empierrer le chemin Tokaido dans la région d'Hakone car, vu le relief accidenté, il était très difficile de s'y mouvoir par temps pluvieux. Le chemin devenait vite boueux et impraticable. Et comme il fallait aussi protéger les voyageurs par temps ensoleillé, il fit également planter des cèdres tout le long.

Ainsi, quatre cents ans plus tard, il resterait encore ici quatre cents cèdres datant de l'époque le long du dernier tronçon du chemin Tokaido originel. Si vous restez plus d'un jour dans le coin, vous savez ce qu'il vous reste à faire. Bon, faites au moins la balade, c'est très sympa.

L'allée des cèdres

L'allée des cèdres

Nous arrivons bien à temps pour embarquer sur le bateau du retour. Assez de temps d'ailleurs pour passer à la supérette 7-eleven voisine y refaire le plein de liquide. Enfin, d'argent liquide je veux dire ! En effet, sachez que chaque magasin 7-eleven dispose d'un distributeur de billets acceptant la plupart des cartes de crédit internationales. Pratique quand on est à cours de liquidités et pas plus cher qu'un retrait à un distributeur d'une banque.

Le voyage retour jusque Gora par le bateau et le téléphérique d'Owakudani se déroule sans problème, l'occasion de prendre une dernière photo du mont Fuji la tête dans les nuages et de tourner une petite vidéo des fumerolles d'Owakudani.

Le mont Fuji la tête dans les nuages

Le mont Fuji la tête dans les nuages

Passage au-dessus d'Owakudani

Comme convenu la veille, nous passons la soirée au restaurant Yoshinotei en compagnie de notre charmante hôtesse. Et comme hier, nous avons la chance de l'avoir rien que pour nous ! Alors nous en profitons pour lui demander de nous apprendre à faire des sushis et c'est encore un excellent moment que nous passons avec elle !

Confection de sushis au restaurant YoshinoteiConfection de sushis au restaurant Yoshinotei

Confection de sushis au restaurant Yoshinotei

En dessert, nous reprenons le même qu'hier, sans oublier de le prendre en photo cette fois ! Il s'agit de boules de gelée (selon moi, à base d'agar-agar, selon chérie à base de konjac) translucide à manger avec de la glace au matcha, de l'amande pilée et une sorte de compote de... nous ne savons plus quoi. Si vous connaissez le nom de ce dessert, n'hésitez pas à le laisser en commentaire.

Le dessertLe dessert

Le dessert

Et avant de nous quitter, une petite photo avec notre charmante hôtesse et plein de mercis réciproques pour les superbes moments passés ensemble. Ça nous faisait très étrange qu'elle nous prenne tous les deux par la taille alors que les Japonais, d'habitude, n'apprécient pas le contact physique.

Allez, au dodo maintenant !

Avec notre hôtesse

Avec notre hôtesse

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