6 novembre 2019 - Voir Enoshima, et puis mourir... (ou presque)

Publié le par Baudouin

Après la journée hyperactive d'hier, aujourd'hui sera bien plus relax. Nous commençons la journée par le temple Kotoku-in à Kamakura que nous n'avons pas pu visiter hier par manque de temps, puis nous irons nous balader sur l'île d'Enoshima, et enfin nous partirons pour Hakone. Vous voyez, cool non ?

Puisque notre Pass Hakone Kamakura est valide à partir d'aujourd'hui, nous prenons dès lors le train de la ligne Enoden (Enoshima Electric Railway) à la gare terminus éponyme de Fujisawa en direction de Kamakura. Cette gare a la particularité de se trouver au premier étage du centre commercial Odakyu Shonan Gate.

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Le saviez-vous ?

Lorsque vous devez prendre l'ascenseur dans un immeuble au Japon, retenez que les Japonais parlent en "niveau", et non en "étage". Ainsi, si vous voulez monter au troisième étage, vous devez appuyer sur "4F" (4th floor). Si vous devez descendre au premier sous-sol, ce sera "B1" (Basement 1). Enfin, pour revenir au rez-de-chaussée, pressez "1F". Ca paraît simple mais après une semaine au Japon, nous n'avons pas encore tout à fait assimilé !

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La ligne Enoden vers Kamakura est à voie unique sur laquelle circulent de petits trains, style Micheline pour ceux qui en ont connus dans nos campagnes dans les années 60-70. On trouve encore ici d'anciens modèles mais ils sont progressivement remplacés par des attelages plus modernes. Moi qui suis passionné de trains, j'adore !

Les trains du Enoshima Electric Railway
Les trains du Enoshima Electric RailwayLes trains du Enoshima Electric Railway

Les trains du Enoshima Electric Railway

Comme je le mentionnais dans l'article précédent, le train de la ligne Enoden n'est pas des plus rapides. Jusque la station Hase où nous descendons, il aura fallu vingt-huit minutes pour parcourir les dix kilomètres du trajet. La ligne étant à voie unique, il faut parfois attendre plusieurs minutes dans une station pour que les trains puissent se croiser.

Autre particularité, entre Enoshima et Koshigoe, le train roule carrément dans la rue, entre les voitures et les piétons ! Apparemment, et considérant qu'il s'agit bien d'un train et non d'un tram, ce serait une scène unique au Japon. C'est à voir particulièrement lors des festivals, quand la rue est envahie par la foule, et que le festival s'arrête le temps de laisser passer le train !

Cette situation particulière, et sa relative lenteur nous permettant d'admirer le paysage à notre aise, en font résolument un train touristique, surtout lorsque nous roulons le long de l'Océan Pacifique.

Le temple Kotoku-in

Le temple bouddhiste Kotoku-in se trouve 450 mètres au nord de la gare de Hase, il ne faut donc que quelques minutes pour l'atteindre à pied.

En réalité, on se déplace à Kotoku-in principalement pour son Bouddha de bronze assis, le deuxième plus grand au Japon. Nous serions d'ailleurs dans l'incapacité de vous dire ce qu'il y a d'autre à y voir si vous nous le demandiez !

Les données historiques sont rares et fragmentaires concernant le temple Kotoku-in, parfois même contradictoires. Ce temple bouddhiste aurait été érigé à l'initiative de la secte Jodo-Shinshu apparemment pour exaucer un vœu du shogun Minamoto no Yoritomo.

Inauguré en 1243, le Kamakura Daibutsu, en français le Grand Bouddha de Kamakura, était une statue en bois qui nécessita dix ans de travaux. Mais endommagée par une tempête en 1248, seulement cinq ans après son achèvement, il fut décidé de la remplacer par une statue en bronze !

Depuis 1252, le Daibutsu est donc une statue colossale en bronze de 11,40 mètres de haut (13,35 mètres avec sa base), pesant approximativement 121 tonnes ! Elle est à l'effigie du Bouddha Amitabha. D'après la secte Jodo-Shinshu, ceux qui le vénèrent seraient assurés d'accéder au paradis !

Contrairement aux autres grands Bouddha au Japon, celui-ci est assis en plein air. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé de le couvrir. Continuant à jouer de malchance, le hall qui devait l'abriter fut à chaque fois détruit par une tempête. C'est sans doute le tsunami du 20 septembre 1498 qui découragea finalement les responsables du temple puisqu'ils renoncèrent définitivement à le couvrir.

A l'arrière, on peut voir deux trappes dans le haut du dos. Celles-ci sont d'origine et ont permis d'évacuer le moule et la terre qui ont servi à son érection. A une époque, il était couvert d'or mais ce n'est plus visible aujourd'hui. Par contre, contre une modique somme, il est toujours possible de pénétrer à l'intérieur. Ce que nous nous empresserons de ne pas faire vu que ça nous semble sans aucun intérêt...

C'est finalement une chance que nous n'ayons pas eu le temps de le visiter hier. La lumière ce matin est idéale pour pouvoir l'admirer dans toute sa splendeur. Nous sommes quasi sûrs qu'il n'aurait pas été aussi beau hier à la nuit tombante !

Le Kamakura Daibutsu
Le Kamakura Daibutsu
Le Kamakura Daibutsu

Le Kamakura Daibutsu

La courte visite au Daibutsu faite, nous reprenons le chemin de la gare d'Hase. Au croisement de la route venant du centre de Kamakura et de la perpendiculaire que nous empruntons, un étrange manège attire notre attention. Quatre à cinq personnes sont assises sur des chaises pliantes, observant attentivement la circulation. Devant chacun d'eux, une autre chaise sur laquelle sont posés des compteurs, un plan du quartier, et un tableau... Et bien, ils mesurent le trafic ! Alors que chez nous cela se fait de façon automatique, ici c'est encore manuel ! Quand je vous parlais précédemment de ce contraste entre modernisme et archaïsme...

Mesure du trafic à Kamakura

Mesure du trafic à Kamakura

Nous continuons notre route vers la gare. A voir le nombre de références françaises sur les commerces, la France a bonne presse, ici.

Le Français est apprécié, à KamakuraLe Français est apprécié, à KamakuraLe Français est apprécié, à Kamakura

Le Français est apprécié, à Kamakura

Enoshima, le petit Mont-Saint-Michel

De retour à la gare d'Hase, nous reprenons cette fois le train de la ligne Enoden en direction d'Enoshima. Mais plutôt que de descendre à cette gare, nous nous arrêtons deux stations avant, à Kamakurakoko-Mae afin d'avoir, nous l'espérons, une jolie perspective de l'île d'Enoshima.

Bon, c'est bien le cas mais nous ne voyons pas trop le rapport avec le Mont-Saint-Michel...

En tournant le dos à la plage, surplombant la station, nous découvrons pour la première fois une église chrétienne...

L'île d'Enoshima depuis la station Kamakurakoko-Mae, et une église chrétienneL'île d'Enoshima depuis la station Kamakurakoko-Mae, et une église chrétienne

L'île d'Enoshima depuis la station Kamakurakoko-Mae, et une église chrétienne

Comme la météo est excellente, et qu'il n'y a "que" deux kilomètres et demi jusqu'à l'île d'Enoshima, nous choisissons de poursuivre à pied. A Koshigoe, en bord de route, une jolie maison au style particulier attire notre regard.

Une jolie maison

Une jolie maison

Nous nous disons que du cap Koyurugi voisin, nous pourrions aussi avoir un joli point de vue sur l'île d'Enoshima. Cherchant l'endroit idéal, nous découvrons par hasard le sanctuaire Koyurugi.

A part qu'il fut initialement construit entre 1185 et 1189, puis détruit en 1333 lors de la guerre contre le shogunat de Kamakura, et reconstruit par la suite, il n'y a pas grand chose à en dire.

Mais à l'extrémité du temple, une petite plateforme surplombant le port nous offre une  vue sympathique sur l'île d'Enoshima. Au moins nous n'y serons pas venus pour rien. 

Le sanctuaire Koyurugi et la vue vers l'île d'EnoshimaLe sanctuaire Koyurugi et la vue vers l'île d'Enoshima

Le sanctuaire Koyurugi et la vue vers l'île d'Enoshima

Nous descendons ensuite du cap Koyurugi le long de la plage de Koshigoe avec en arrière-plan l'île d'Enoshima. Si la plage est belle et probablement très fréquentée en été, le front de mer n'est pas digne d'une station balnéaire. Aucun restaurant, aucun magasin. Que des immeubles anonymes d'une laideur affligeante...

Dans l'eau, quelques apprentis surfeurs suivent les instructions de leur moniteur, tandis que sur la plage, en contrebas de la promenade, quelques quidams en tenue de bain lézardent au soleil...

La plage de Koshigoe

La plage de Koshigoe

Après avoir passé la "porte des dragons", deux lanternes installées en 2001 pour célébrer les 1450 ans de la formation de l'île, nous empruntons maintenant le pont Bentenbashi de quatre-cents mètres de long qui sépare l'île d'Enoshima de... l'île d'Honshu, la plus grande des îles composant le Japon. En réalité, il s'agit de deux ponts parallèles, l'un piétonnier, l'autre routier.

A marée basse, l'océan se retire totalement, laissant une bande de sable apparente sous le pont. C'est sans doute pour cela qu'un Français de passage ici au début du XXè siècle aurait déclaré qu'il avait devant lui un petit Mont-Saint-Michel. Une réflexion que le marketing local n'aura pas hésité longtemps à saisir !

Le pont est aussi un bon endroit pour observer la côte et, encore une fois, nous ne pouvons manquer d'admirer le mont Fuji qui se découpe au loin dans la brume d'évaporation montant de l'océan. Aurions-nous été envoûtés par cette montagne sacrée ?

Le pont piéton d'Enoshima et... le mont Fuji au loin
Le pont piéton d'Enoshima et... le mont Fuji au loinLe pont piéton d'Enoshima et... le mont Fuji au loin

Le pont piéton d'Enoshima et... le mont Fuji au loin

Il est midi lorsque nous arrivons à l'entrée d'Enoshima où l'heure et les étals de pêcheurs nous invitent à passer à table. La spécialité culinaire d'Enoshima est le shirasu, un alevin bouilli et partiellement séché de la famille des sardines. A l'origine transparent, il devient blanc à la cuisson. En plus d'être délicieux, je peux en témoigner, ils sont très nutritifs. Chérie, elle, préfère satisfaire son appétit sur quelque chose de plus classique...

Les shirasu, spécialité culinaire d'EnoshimaLes shirasu, spécialité culinaire d'Enoshima

Les shirasu, spécialité culinaire d'Enoshima

A la sortie du pont, la rue principale continue tout droit, passant sous un joli torii vert. De chaque côté, la rue Nakamise est bordée de nombreux magasins de souvenirs, de restaurants et, pour ceux qui veulent loger ici, de quelques ryokan, les auberges traditionnelles japonaises.

Le torii à l'entrée de la rue Nakamise
Le torii à l'entrée de la rue Nakamise

Le torii à l'entrée de la rue Nakamise

La rue monte en pente douce jusqu'à arriver à un grand et large escalier et un deuxième torii, rouge cette fois. Celui-ci marque à la fois la fin de la rue Nakamise et l'entrée du sanctuaire Enoshima Jinja.

Ici, trois possibilités s'offrent à nous : soit poursuivre tout droit par les escaliers, soit prendre les escalators souterrains payants (!), ou encore, emprunter le chemin qui monte en pente douce jusqu'au sommet de l'île. Les escaliers portent le doux nom de Otokozaka, ce qui signifie "la pente des mâles", et les disqualifie immédiatement aux yeux de chérie (peu importait le nom, en fait) ! Les escalators, c'est trop facile à mon goût ! Nous retenons donc la troisième option. C'est certes un peu plus long mais le chemin panoramique offre quelques points de vue vers la côte ou le port.

Arrivés à hauteur du sanctuaire Enoshima Jinja, nous décidons d'y faire un rapide détour , juste pour voir, comme ça. Nous avons eu notre ration de temples hier et encore ce matin, et nous ne voulons pas en faire notre ordinaire.

En fait, Enoshima Jinja est constitué de trois sanctuaires, le plus important étant Hetsunomiya, dédié à la déesse Benzaiten. Vous vous rappelez ? Je vous l'ai présentée dans l'article précédent.

Il y a une jolie histoire entre Benzaiten et Enoshima. Allez, je vous la raconte :

"Voici une quinzaine de siècles, au fond de l'océan, près des côtes du Japon se trouve une grotte habitée par un dragon. Le plus terrible des dragons avec une gueule énorme aux dents acérées dont il se sert pour saisir les enfants qui se baignent ou jouent au bord de l'eau. Il court ou nage vers eux, s'en empare et les croque. Que de larmes versées à cause de lui, que de crainte chez les enfants qui n'ont pas été victimes du monstre !

La déesse Benzaiten veut mettre fin à ces souffrances. Elle veut que chacun soit heureux. Y compris le dragon, pense-t-elle, "car s'il est si méchant, c'est qu'il n'est pas heureux".

Elle se dirige vers la grotte, s'y penche, et par sa volonté le sol se soulève ! La grotte du dragon émerge de l'océan, la terre s'étend et se couvre de forêts. L'île d'Enoshima est née !

Le dragon, stupéfait devant un tel spectacle, voit la déesse descendre du ciel et s'avancer vers lui avec un sourire enjôleur. Elle lui adresse la parole en ces termes :

"Vous vivez en solitaire dans votre grotte, vous ne vous ennuyez pas ? Aucun être ne peut vivre sans affection. Voulez-vous que nous nous mariions ? Nous serons heureux ensemble, nous aurons des enfants que vous aimerez, j'en suis sûre. Alors... Alors vous cesserez de manger les enfants des autres..."

Le dragon consentit, et le calme revint le long des côtes d'Enoshima..."

Enoshima Jinja (Hetsunomiya à gauche)Enoshima Jinja (Hetsunomiya à gauche)

Enoshima Jinja (Hetsunomiya à gauche)

Nous ne nous attardons donc pas au sanctuaire et poursuivons notre chemin vers le sommet de l'île. La grande tour qui la domine ne peut échapper au regard. Il s'agit en fait du phare d'Enoshima, la "Enoshima Sea Candle tower".

Le clou de la visite à Enoshima est certainement d'accéder à la terrasse panoramique située au sommet du phare. Ce que nous ne manquons pas de faire ! De là-haut, à environ cent-vingt mètres au-dessus du niveau de la mer, la vue sur la baie de Sagami, le mont Fuji - ben oui, forcément - et les montagnes avoisinantes est superbe ! De nuit et par beau temps, il serait possible de voir la Tokyo Tower et la Tokyo Skytree Tower à trente-cinq kilomètres d'ici !

Par ailleurs, le phare se trouve dans un jardin botanique, le "Samuel Cocking garden", du nom du marchand britannique qui construisit ici une villa en 1882. Si la villa a aujourd'hui disparu, le jardin, lui, est resté. Des plantes tropicales et deux-cent cinquante variétés de camélias et de roses ont ainsi été plantées sur une superficie de dix-mille mètres carré. Chaque nuit, de fin novembre à mi-février, le jardin est illuminé à l'occasion du festival Shonan no Hoseki, un festival des lumières qui couvre en réalité toute la région d'Enoshima ! A voir absolument si vous êtes dans le coin à cette époque !

La "Enoshima Sea Candle tower" et le panoramaLa "Enoshima Sea Candle tower" et le panorama
La "Enoshima Sea Candle tower" et le panoramaLa "Enoshima Sea Candle tower" et le panorama

La "Enoshima Sea Candle tower" et le panorama

A la sortie du jardin, nous débouchons sur une petite esplanade où se trouvent deux échoppes, l'une vendant des glaces, l'autre des trucs bizarres. Nous nous approchons d'un client qui vient d'acheter ce qui ressemble à une feuille avec un poulpe imprimé dessus et lui demandons de quoi il s'agit.

C'est un Tako Sembei (ou Senbei), Tako signifiant "poulpe" et Sembei étant un cracker fait avec de la farine de riz. Un coup d'oeil à l'échoppe, et voilà comment c'est fait : vous faites une sorte de pâte avec de la farine de riz mélangée à de l'eau, vous l'étendez sur une sorte de gaufrier plat, et vous posez le poulpe entier au milieu. Vous fermez le "gaufrier", vous pressez, et voilà vous avez un Tako Sembei. Bon appétit !

Evidemment, la maison ne reculant devant aucun sacrifice, j'ai testé pour vous le Ebi Sembei, Ebi signifiant "crevette". Bon, je vous le dis tout de suite, je n'en ferai pas ma friandise favorite. Le cracker n'est pas très goûteux tant qu'on n'arrive pas à la crevette. Mais où ça se complique, c'est quand on arrive à l'abdomen de la bête où là il faut avoir un peu de courage et de ténacité pour continuer à mâchouiller la chose. Vous avez déjà mangé une crevette non décortiquée ?

Quelques gâteries : Tako Sembei et Ebi SembeiQuelques gâteries : Tako Sembei et Ebi Sembei

Quelques gâteries : Tako Sembei et Ebi Sembei

Chérie ayant fait l'impasse sur les Sembei - on se demande bien pourquoi... -, je me suis encore retrouvé seul sur ce coup-là. Elle, par contre, aura eu le nez fin en s'achetant un peu plus loin des Meoto Manjyu. Et ça, c'est une tuerie ! Il s'agit d'une petite boule de pâte de farine, eau, sucre et fécule fourrée d'une pâte de haricots rouges azuki. Excellent ! Sur les photos ci-dessous, elles sont blanches mais on en trouve aussi des brunes quand elles sont faites avec du sucre de canne brun. De la même manière, elles peuvent aussi être fourrées avec de la pâte de haricots blancs...

Meoto ManjyuMeoto Manjyu

Meoto Manjyu

D'autres lieux valent peut-être une visite à Enoshima, comme les grottes Iwaya ou la côte rocheuse tout au sud de l'île, ou encore une bucolique petite plage confidentielle à l'ouest, mais il est temps de retourner à Fujisawa. Il est 14 heures, nous devons récupérer nos bagages à l'hôtel et notre train pour Hakone démarre à 15 heures 20.

Nous continuons donc à pied notre tour horlogique de l'île pour revenir au torii rouge du sanctuaire Enoshima Jinja. Nous découvrons ainsi une quatrième option pour rejoindre le sanctuaire : le chemin Onnazaka, soit "la pente des femmes" qui, comme vous l'imaginez, est moins rude que celle des hommes. Ben alors, elle est où l'égalité des sexes ?

Bon, nous n'avons pas le temps pour le débat. Nous avons encore un kilomètre et demi à parcourir pour rejoindre la gare d'Enoshima par le pont Bentenbashi et la rue Subana. C'est facile, c'est toujours tout droit.

Devant la gare d'Enoshima, de mignons petits oiseaux nous attendent, posés sur un garde-fou. Pour la petite histoire, leur tenue est changée tous les un à deux mois.

Devant la gare d'Enoshima

Devant la gare d'Enoshima

Avec un train toutes les douze minutes et seulement neuf minutes de trajet, nous sommes rapidement de retour à l'hôtel pour y récupérer nos bagages. C'est donc aussi sans problème que nous pourrons prendre notre train pour Hakone. Pour être précis, notre destination exacte est la gare de Gora mais la région est plus connue sous le nom d'Hakone.

Quoiqu'il en soit, nous devrons changer de train à deux reprises. D'abord à Odawara, ensuite à Hakone-Yumoto. Pour rejoindre Odawara, nous choisissons d'utiliser un train de la compagnie Odakyu compris dans notre Hakone Kamakura Pass. Puisque nous l'avons, autant l'utiliser au maximum.

Mais ce n'est pas la meilleure idée qui soit quand on a aussi le JR Pass. En effet, le train Odakyu fait un détour par Machida, mettant Odawara à plus d'une heure et dix minutes de Fujisawa quand le train JR, qui lui longe la côte, ne met qu'à peine une demi-heure pour arriver à destination.

Après un changement à Odawara, donc, nous arrivons sans souci à Hakone-Yumoto. Normalement, nous aurions dû emprunter un autre train pour rejoindre Gora mais le typhon Hagibis a fait des dégâts dans la région et la ligne de chemin de fer est coupée par des éboulements qui ont arraché la voie et la caténaire. Imaginez qu'au plus fort du typhon, sur la journée du 12 octobre, il est tombé ici jusqu'à 922 millimètres d'eau par mètre carré ! Pour vous faire une idée de ce que ça représente, la commune de Borne, en Ardèche, détient le record de pluviométrie en France avec 2220 millimètres cumulés par an !

En tout cas, c'est bien dommage car la ligne Hakone-Yumoto - Gora est tout à fait particulière. En effet, la pente est tellement forte que le train ne peut pas monter directement jusqu'à Gora sans s'arrêter, repartir dans l'autre sens, s'arrêter de nouveau, repartir à nouveau dans l'autre sens... Concrètement, en vue aérienne, la ligne de chemin de fer ressemble à un Z dont chaque branche est empruntée par le train tour à tour dans un sens puis dans l'autre ! Ce n'est pas unique au monde mais c'est quand même plutôt exceptionnel !

Un petit dessin valant souvent mieux qu'un grand discours, regardez la photo aérienne ci-dessous. Hakone-Yumoto se trouve à droite de la photo (non-visible, je précise) et nous allons à Gora, à gauche de la photo (non-visible non plus !). La ligne de chemin de fer, le trait blanc, s'élève donc de la droite vers la gauche. Regardez ce qu'il se passe peu après Tonosawa, et puis dans Ohiradai. Fun, non ?

La ligne de chemin de fer entre Hakone-Yumoto et Gora. Regardez son parcours particulier (en blanc)

La ligne de chemin de fer entre Hakone-Yumoto et Gora. Regardez son parcours particulier (en blanc)

Nous ne pouvions pas soupçonner les Japonais d'un quelconque manque d'organisation et la compagnie Odakyu a donc prévu des autocars de remplacement. D'ailleurs, nous avions été mis au fait dès l'achat de nos Hakone Kamakura Pass.

Bon, parfois il peut y avoir une différence entre l'intention et la réalisation, mais ce serait mal connaître les Japonais. Ainsi, quand nous arrivons à Hakone-Yumoto, nous sommes directement pris en charge par le personnel de la compagnie et emmenés au bus. Un agent de la compagnie nous accompagnera même jusque Gora.

A Gora, nous logeons au ryokan Suirinso, un ryokan étant une auberge traditionnelle japonaise comme je pense l'avoir déjà écrit précédemment. Lors des préparatifs de notre voyage, j'avais regardé la situation de l'auberge par rapport à la gare et j'avais considéré que le kilomètre qui nous en séparait pouvait aisément se faire à pied, même si nous étions accompagnés de nos lourdes valises.

C'est donc Google Maps en main et sans se soucier nullement de la présence d'un transport en commun ou d'un taxi que nous quittons la gare à pied. Nous avons à peine tourné le coin de la gare que, me retournant, je vois déjà des mitraillettes dans les yeux de chérie ! Ben oui, ça monte, mais au bout de la rue, promis, ce sera plat !

Hmmm... Comment dire... En fait, ça n'arrête jamais de monter, dans c'te bled ! Et si je vous dis qu'à certains endroits, ça monte même à 50%, vous me croyez ?

Ca grimpe tellement que ça en devient impossible pour chérie. Alors, que faire ? Un taxi ? Mais comment en appeler un quand la nuit tombée les rues sont vides !? Ne reste plus qu'à endosser mon costume de Superman ! Je monte ma valise d'une vingtaine de mètres, je la laisse sur place... Je redescends chercher celle de chérie, je la ramène au niveau de la mienne, je me repose... Je monte ma valise d'une vingtaine de mètres... Etcetera pendant... waow !... une éternité ! Vous ne me croyez pas ? Eh bien, allez-y, faites-le !

Enfin, quoiqu'il en soit, c'est en nage et sans bras que nous arrivons à l'auberge ! L'endroit n'est pas très accueillant. C'est très vieillot, même qu'on pourrait dire délabré, et le concierge à l'entrée a une mine patibulaire (mais presque). On sent néanmoins un bon fond en lui. On comprend même qu'il est sincèrement désolé en nous annonçant que l'onsen, c'est-à-dire le bain traditionnel japonais, est hors service depuis le passage du typhon Hagibis. Bon, l'onsen, ce n'est pas trop le truc de chérie, mais moi c'était spécialement pour ça que j'avais réservé cette auberge ! Soit, on ne peut pas lui en vouloir, et la situation doit d'ailleurs être pareille dans tous les onsens des environs puisque les sources d'eau chaude qui les alimentent ont été refroidies par les énormes quantités d'eau apportées par le typhon.

Cela dit, un autre problème nous préoccupe. Où pouvons-nous encore trouver de quoi dîner sachant que le restaurant de l'auberge est fermé le soir et que nous ne sommes pas tentés par les distributeurs automatiques de nourriture présents dans le hall ? Entendons-nous bien ! Sans encore devoir grimper le moindre centimètre, tant à l'aller qu'au retour, n'est-ce pas !

Le concierge nous rassure. A un peu plus de cent mètres d'ici, nous pouvons tenter notre chance au restaurant Yoshinotei, un restaurant de cuisine moléculaire. Cuisine moléculaire ou pas, quand on a faim et tant qu'on ne doit pas faire trop d'efforts, tout fera l'affaire !

Bon, il nous faudra quand même monter une quinzaine de mètres, mais rien de commun avec ce que nous venons de vivre. Ouf ! Il y a de la lumière, et la porte d'entrée n'est pas verrouillée ! Mais le restaurant est envahi par la fumée ! Nous avions déjà connu, à Fujisawa, un restaurant où ils faisaient tellement de fumée en cuisinant que l'air y était irrespirable. Nous en étions sortis immédiatement mais aurons-nous à connaître ici pareil calvaire !?

Nous nous retrouvons face à une petite dame d'un certain âge, japonaise, qui nous accueille avec le sourire espiègle de celle qui a fait une bêtise. Avec deux mots d'anglais, elle nous explique qu'elle a tenté d'allumer le feu de bois dans la cheminée mais qu'en l'absence de son mari, elle a juste réussi à enfumer le restaurant ! Ben oui madame, quand on ne sait pas faire, on ne fait pas ! Quoiqu'il en soit, nous ouvrons la porte d'entrée en grand pour aérer et nous installons à table à l'abri des courants d'air.

Je ne me rappelle pas avoir vu de la cuisine moléculaire à la carte mais ce que je sais, c'est que nous nous sommes directement rabattus sur ce que nous connaissions déjà, c'est-à-dire le traditionnel udon.

Un udon au restaurant Yoshinotei

Un udon au restaurant Yoshinotei

Ce jour-là, nous aurons passé notre meilleure soirée depuis notre arrivée au Japon. Certes, il aura fallu souffrir pour la mériter, mais cette petite dame est un véritable amour ! Et nous pouvons en profiter pleinement puisque nous serons les seuls clients de la soirée. Elle se propose même de me préparer - et il y en a de la préparation, croyez-moi ! - un dessert spécial dont malheureusement nous n'avons pas de photo, et dont nous ne nous rappelons même pas le nom ! Shame on us !

Arrive le moment de nous séparer. Nous sommes tellement heureux de la soirée que nous venons de passer que nous prenons rendez-vous pour demain soir. "Ah non, désolée", nous dit-elle, "le restaurant est fermé demain soir !" "Quoi ? What ? 何! Ah, mais non, ce n'est pas possible !" rétorquons-nous à peu près en ces termes sans prononcer le moindre mot. "Attendez, je vais demander à mon mari !" nous lance-t-elle l'air amusé. Quelques instants plus tard elle revient triomphante et, excitée comme une puce, de nous dire : "C'est bon, vous pouvez venir demain, j'ouvre pour vous !". Waouh ! A demain sans faute !

Nous rentrons à l'auberge le cœur joyeux et la fatigue oubliée. Comme la vie est bizarre. Nous avons presque failli mourir en arrivant et voilà que nous venons de passer une soirée merveilleuse !

Ne reste plus qu'une obligation, faire nos lits. Ben oui, dans un ryokan, un vrai, un pur, un dur, on fait son lit soi-même, comme à l'armée madame ! En fait, pour ce qui est du lit, il n'y en a point. On pose des futons sur le sol, on les couvre d'un drap, puis on glisse la couette dans une housse un peu bizarre. Et voilà, le tour est joué ! Bonne nuit !

Notre "lit" au ryokan

Notre "lit" au ryokan

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Le Shonan Monorail

Pour rejoindre Enoshima, un autre moyen de transport existe, dont je ne vous ai pas parlé dans mon article ci-dessus. Si vous consacrez plus de temps que nous à la visite de la région de Kamakura - Enoshima, pourquoi ne pas emprunter le Shonan Monorail ? Il s'agit d'un monorail suspendu qui monte, descend, tourne brutalement, passe dans des tunnels... Une véritable attraction de foire ! Je vous propose le lien vers le site officiel ci-dessous :

Au fait, qui a dit que la journée serait relax ?

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